Voici la suite de mon article sur la deuxième journée des FLUPA UX Days 2016 – conférence. Après 4 conférences UX relatées, je reprends le sujet pour 2 autres conférences marquantes. Et là encore, ça dépote ! Si vous souhaitez en apprendre encore plus sur l’UX, alors lisez ce qui suit.
Les FLUPA UX-Days 2016 (2)
5 – Méthodes de design UX, Révolutionnez votre coffre à outils _ Carine Lallemand
Carine Lallemand est UX Researcher à l’Université de Luxembourg, et vice-présidente de Flupa. Voici pour ma part la conférence qui a pu me marquer le plus. Pour la petite histoire, Carine a remplacé au pied levé (bravo !) une malheureuse oratrice qui nous promettait une belle thématique, l’UX et la cognition (quel thème !). Et ce remplacement fut génial. Au-delà de la présentation des méthodes UX, Carine Lallemand a repris les fondamentaux de la pensée UX. Encore une fois, il ne s’agit pas que d’une série de méthodologies aux noms savants qui pourront résoudre nos problématiques de terrain, mais d’une stratégie pensée, formulée et itérée. Le mot est lancé : « révolution ».
Penser l’expérience avant le produit
Prioritairement, il nous faut considérer les changements dans nos processus et méthodes de travail dans nos domaines UX & design. Il faut penser non plus produit, non pas (assez) service, mais expérience. La valeur ajoutée est là, et nous permettra de commencer la révolution de la stratégie UX.
Les outils de conception
Il faut alors reprendre les outils et les faire évoluer selon 2 axes, les modèles DO-GOALS, pour les qualités pragmatiques de l’expérience, et les modèles BE-GOALS pour les qualités hédonistes.
DO-GOALS : le produit est utile pour quoi, à quoi, à quelle fonction répond-il etc….
BE-GOALS : le produit me fait sentir comment, quelle sensation, quel sentiment me fait-il ressentir avec lui, en utilisation et hors utilisation etc…
Pour les méthodes d’idéation, nous aurons :
- Les UX Cards, cartes d’idéation pour les besoins des utilisateurs basées sur une approche psychologique de l’eXpérience Utilisateur,
Vous pouvez télécharger les UX Cards de Carine Lallemand,
Il faudra privilégier les BE-GOALS, pour aller au-delà du fonctionnel et se concentrer sur les vrais besoins humains. Bien au contraire des démarches objectives et neutres, il faut mesurer nos démarches UX à l’affectif et en faire émerger une stratégie qui tient la route. Revenir aux besoins substantiels premiers. C’est en cela que nous pourrons innover.
On ne peut véhiculer l’émotion que si on la connaît, ainsi que se caractéristiques. Connaissons-nous notre « granularité émotionnelle » ? C’est la capacité de caractériser un état émotionnel avec précision. A la base, nous en avons 6 essentielles, primaires, et après combien ? Pieter Desmet en a 26 ! Nous devons devenir expert dans ce domaine.
- Les Positive Emotional Granularity Cards, pour mesurer notre taux de granularité émotionnelle et performer,
- Les cartes pour les émotions positives, émotions négatives & mixtes, (basées sur les Negative emotion typology),
- Les PLEX CARDS, pour axer sur une recherche et une conception d’expérience ludique, (excellent atelier sur le PLEX Cards la veille – lire l’article référent )
- Vous pouvez télécharger les PLEX Cards sur le site du concepteur Andrès Lucero (avec Carine Lallemand)
- Les Behavior Change Strategy Cards,
L’UX et la temporalité
Carine Lallemand nous rappelle ainsi que l’UX est holistique, contextuelle & dynamique. Il nous faut l’évaluer de manière non pas scientifique, mais rationnelle et méthodique.
- AttrackDiff, questionnaire d’évaluation UX, qui ne prend pas en compte la partie hédoniste de l’UX, pas assez d’items pragmatiques,
- UEQ, User Experience Questionnaire, qui mesure ensemble les parties hédonistes et pragmatiques,
- Questionnaire meCUE, questionnaire plus long, mais qui donne de meilleurs résultats affinés pour la partie émotionnelle,
Mais ce qu’il nous faut considérer et par la même évaluer, c’est la temporalité de l’UX. Aujourd’hui l’enjeu des produits, des services et autres est de prolonger l’usage, générer du temps de fidélité et garder l’utilisateur.
Le souvenir d’un expérience est plus importante que l’expérience elle-même.
Ux anticipée > ux momentanée > UX episodique > Ux cummulative
Le temps apporte une nouvelle dimension à l’expérience qui influence les comportements de l’utilisateur. Plus l’utilisateur connait le produit, plus il va interagir différemment, avec des habitudes choisies, des raccourcis, des contournements etc….Nous devons absolument étendre notre travail et nos études à cette dimension : il nous faut alors évaluer l’UX à long terme. Des paradigmes sont possibles. Reprendre des tests sur un timing plus étalé, des tests répétés et le renouvellement des études.
- Mesures répétées sur une échelle de temps 1 mois, + 6 mois d’utilisation,+ 6 mois d’utilisation
- Etude longitudinale à l’aide de tableaux de bord pour synthétiser les résultats,
- Evaluation rétrospective de l’expérience, qui est en fait une étude du souvenir de l’expérience, qui peut s’avérer vraiment déterminante dans l’étude d’une réalisation, en réalisant une courbe d’évaluation UX.
En conclusion, nous pouvons donc nous enrichir de ces méthodologies, surtout les comprendre sans les appliquer sans but, et sans oublier de rester sur le terrain, proche des utilisateurs en s’immergeant dans le contexte pour le comprendre aussi.
L’article de Carine Lallemand sur la toolkit en français qui reprend les principaux outils UX.
6 -Démarche de conception de produits intuitifs _ Andréa Boisadan
Andréa Boisadan est titulaire d’un master en ergonomie et doctorante CIFRE chez Tactile Studio. Andrea nous plonge dans l’intuitivité. « Intuitive » est aujourd’hui un mot commun en argument de vente, et tout le monde en veut. Nous avons besoin de communiquer la fluidité et l’enchantement à travers nos démarches de création produits. Comment traduire cette notion d’intuitivité ? Car il y a un paradoxe entre le convenu et la définition (scientifique).
En premier, cette notion fait appel à l’inné : sans connaissances particulières, une typologie d’utilisateurs réagira de manière variable face à une interface tout en gardant quelques modèles communs.
En second, et suite à quelques études menées, nous constaterons que l’intuitivité fait appel aussi à l’acquis. Nous pouvons retrouver cette notion avec l’affordance décrite par Gibson (1979) & Norman (1988). Nous pouvons alors relater les expériences passées, personnelles et communes, et les modèles similaires entre interfaces & systèmes interactifs.
Quelles sont les propriétés d’une interaction intuitive ?
L’expérience antérieure, les traitements non-conscients, la vitesse, la différence individuelle et l’exactitude de l’intuition.
La réflexion est importante pour définir la démarche de conception universelle. Nous pouvons évaluer l’intuitivité dans une prespsective UX, avec la grille d’évaluation AttrackDiff et un « intui-modèle » (Ulrich & Diefenbach, 2010).
Nous aurons pour ce faire les facteurs de 1e niveau, le produit et ses caractéristiques. Nous aurons les facteurs de 2e niveau, le mode d’usage : comment nous allons interagir. Plus j’utilise le produit, plus je vais le connaître avec les contextes de transfert.
Retours d’expérience
Suite à un travail réalisé au département des arts de l’Islam au Louvre, ayant pour objectif de traduire les oeuvres d’art pour les déficients visuels, Andréa Boisadan nous livre ses réflexions et analyses :
Il s’agit de concevoir un produit de « masse » à partir des besoins des publics spécifiques. En ciblant des capacités de perception réduites, en concevant un produit facile d’utilisation pour un petit nombre, nous pourrons répondre à une utilisabilité pour le plus grand nombre. Car le produit sera conçu avec une forte capacité d’intuitivité et d’action.
Ainsi, si nous concevons un dispositif pour ces personnes, on pourra interagir sur les contextes les plus généraux.
La conception universelle reposerait-elle beaucoup plus sur l’inné ?
Cette approche aurait tendance donc à tirer plus vers l’inné que vers l’acquis. A viser une conception type d’un système pour des utilisateurs ayant une déficience sensorielle, physique et/ou cognitive, nous pouvons impliquer un maximum d’utilisateurs dans un nombre de contextes bien plus variés et composites.
Pourquoi pas, pourquoi pas partir de caractéristiques particularisées établies et étendre le travail de conception pour un plus grand nombre. De ce fait, l’inné peut aussi s’avérer une base plus fiable pour procéder à ce travail de conception universelle.
Pourtant, je ne pense pas que nous puissions en faire une règle, car la donnée de l’acquis doit être pris en compte tout autant que l’inné. Ces deux notions me semblent complémentaires, et pour avancer dans une conception universelle remarquable et durable, nous devons plus encore porter attention à ce qu’amène la conscience du temps, l’acquis. Même si celui-ci doit se révéler bien plus difficile à analyser et mesurer.
La conclusion certaine de ce pitch de qualité de la part de Andréa Boisadan, est que la conception universelle, souvent sous-estimée, est vraiment cruciale pour entreprendre un travail de conception emblématique et mémorable. Si je peux m’interroger sur les fondements concrets de cette théorie, notamment sur la capacité de partir d’une niche pour convenir au maximum, ce retour d’expérience a éveillé ma curiosité sur cette démarche et encouragé à préciser mes tags quant à la conception universelle (usage équitable, flexibilité d’usage, tolérance à l’erreur, intuitivité et simplicitié d’usage …).
Voici donc mon retour sur les conférences des Flupa UX-Days cuvée 2016, auxquelles j’ai pu assister. J’en garde un très bon souvenir, de l’impression d’avoir rechargé mes batteries pour pas mal de temps. Mais surtout, j’en garde une motivation profonde pour persévérer dans l’évangélisation auprès de mes collègues de web makers, que les changements s’opéreront par notre force de persuasion et de professionnalisme.